Contentieux indemnitaire vu depuis Paris : réflexions, actualités et avancées attendues
19 juin 2025, Plaza Athénée, Paris
Dix années se sont écoulées depuis l’adoption de la directive « Dommages », et le contentieux indemnitaire sui generis continue de façonner progressivement son visage paneuropéen, au fil des affaires introduites et jugées.
Les enjeux du private enforcement sont nombreux, tout comme les défis, à la fois techniques et stratégiques, auxquels sont confrontés les différents acteurs, qu’ils interviennent en demande, en défense ou en qualité de juge.
La jurisprudence, tant nationale qu’européenne, alimente peu à peu un puzzle complexe, dont les contours se dessinent à mesure que les décisions s’accumulent. Elle permet, à ceux qui prennent le recul nécessaire, d’entrevoir une image d’ensemble qui tend à rejeter toute approche strictement systémique et appelle, au contraire, à la construction d’argumentaires rigoureux, fondés in casu.
L’année écoulée a été jalonnée de développements jurisprudentiels majeurs, justifiant une mise à jour de la réflexion française sur l’état du contentieux indemnitaire, les enseignements à en tirer et les perspectives à envisager. On peut citer, notamment :
- L’examen du mécanisme de cession de créance dans l’affaire ASG 2 (C-253/23) ;
- La définition de la notion d’entreprise dans le cadre du choix de for dans Athenian Brewery (C-393/23) ;
- Et les exigences relatives à la validité des assignations individuelles, illustrées par Volvo AB (C-632/22).
Sont également attendus avec grand intérêt les arrêts à venir dans les affaires :
- Wenzel Logistics (C-191/25), portant sur le point de départ du calcul des intérêts pour une réparation intégrale ;
- Meliá Hotels International (C-286/24), concernant l’accès aux preuves avant l’introduction d’une action en réparation ; et
- Electricity & Water Authority of the Government of Bahreïn e.a. (C-672/23 et C-673/23), qui interrogent la portée de la notion d’entreprise pour la responsabilité solidaire, en aval comme en amont, y compris en cas de préjudices subis hors de l’Union.
Dans ce paysage en pleine mutation, il convient également de relever la série d’arrêts rendus par le Tribunal Supremo espagnol, qui fixe à 5 % le surcoût minimal imputable au cartel des camions, avec des intérêts à compter de la date de paiement. Parallèlement, la Cour suprême des Pays-Bas s’apprête à interroger la CJUE sur l’application temporelle et matérielle du règlement Rome II aux actions en réparation contre le cartel des camions.
De nouvelles dynamiques se dessinent autour des GAFAM et autres acteurs numériques, avec l’émergence d’actions en réparation aux enjeux analytiques et procéduraux considérablement accrus. Les interférences entre le Digital Markets Act et le droit de la concurrence laissent entrevoir une nouvelle phase dans l’évolution du contentieux indemnitaire.
Enfin, les avancées en matière de financement par des tiers méritent une attention particulière, tant il est vrai que de nombreuses affaires emblématiques à l’échelle européenne n’auraient pu voir le jour sans le soutien de financeurs spécialisés, contribuant ainsi à l’effectivité du droit à réparation.
Vasil Savov